La nuit des morts-vivants
Selon Pavel, la métaphore de Schopenhauer s’applique parfaitement à sa vie sentimentale ; quant à Molie, elle se range elle-même dans la catégorie des porcs-épics non frileux. Pavel et Molie vivent la nuit, le premier en raison de son emploi, la seconde parce qu’elle est plutôt asociale. Ils habitent tous deux Grand-Mère, ont fait partie de la même cohorte de finissants du secondaire, ils louent les mêmes films d’horreur au même club vidéo et lisent le même exemplaire d’un roman de George Eliot, mais ne se croisent jamais. Les âmes sœurs, en effet, tombent rarement l’une sur l’autre au coin de la rue. D’ailleurs, qui croit à l’âme sœur de nos jours ? Dans son cinquième roman, François Blais nous lance de nouveau sur la piste d’un duo, éminemment réaliste et savoureusement fictif. On y reconnaît son sens aigu du dialogue et du métissage de tons, cette habileté à raconter qui emporte et captive. Surtout, on y retrouve le pur plaisir du récit, qui s’alimente de la plus infime circonstance. Avec délectation.
Un jour qu’il faisait très froid, des porcs-épics se serrèrent étroitement pour se tenir chaud. Mais bientôt ils sentirent réciproquement les effets de leurs piquants, ce qui les éloigna de nouveau les uns des autres. Chaque fois que le besoin de se réchauffer les rapprochait, ce second inconvénient se reproduisait, de sorte qu’ils allaient et venaient entre les deux maux jusqu’à ce qu’ils eussent trouvé entre eux un éloignement modéré.
Prix littéraires
- Prix littéraire de la Ville de Québec et du Salon international du livre de Québec, finaliste 2012