Noirs horizons
Traduit de l’espagnol (Argentine) par Antoine-Olivier Raymond.
Rêve et réalité s’enchevêtrent dans les quatorze nouvelles de l’Argentin Gastón Sironi. Sur fond noir, la fiction se fait brève et directe à quelques centimètres du canon d’un révolver, plus lente dans l’agonie d’un jeune chef de bande caché dans les égouts. Trahison, vengeance, corruption et règlement de comptes : la mort ne louvoie pas. Contre l’horizon, elle est floue et séduisante, dans le regard des femmes, sur le bas-côté d’une autoroute, dans un salon littéraire, dans une cabane où sexe et sang font alliance. Et si pour l’auteur la fiction n’était que volte-face, jeux de miroir et voyance ? Alors, le chant sacré d’une belle indigène, au-delà de tout exotisme, aurait un pouvoir de vie et de mort.Ces Noirs horizons, ce sont ceux sur lesquels se profile la réalité cruelle, surabondante, déliquescente, tapie au cœur des grandes villes latino-américaines, comme de toutes les grandes villes. Pour liquider la peur, l’imagination trafique, manigance, conspire, se rend maîtresse des points de vue et du temps, tandis que l’humour noir et le burlesque font contrepoids à la violence et à la fatalité.
La lumière découpe sa silhouette sur le noir de l’horizon. Son regard n’a pas quitté tes yeux. Tu crois avancer depuis une heure, mais tu n’as pas fait plus de dix mètres. Elle est à portée de main. L’effort est énorme pour que les mots Je t’emmène sortent de ta bouche. Elle est belle. Nom de Dieu ! mais qu’est-ce qu’elle fait ici ? Tu dis Il fait froid, et c’est réussi, maintenant tu te sens imbécile. Elle reste toujours immobile, sans dire un mot. Tu as de nouveau peur. Elle est belle. Tu veux t’évaporer. Tu veux qu’il se passe quelque chose.