Le père d’Usman
Le narrateur du Père d’Usman est familier aux lecteurs de l’œuvre de Pierre Yergeau. Natif de l’Abitibi, cousin de Léonard, il a abandonné ses études à Montréal et se retrouve, en novembre 1980, au royaume de la Dame de Fer. Séduit par la grisaille de Londres, par sa lumière si différente de celle de l’Abitibi, il souhaite s’y installer. En quête d’un boulot, il rencontre Usman, qui communique avec ses mains ou en écrivant sur des bouts de papier. Après le travail, ils se retrouvent au Chaos, un bar punk dont la faune semble échappée d’un cirque. Dans cet univers marginal, la fiction s’affranchit du vrai et du faux, se colore, se contorsionne, devient singulière et énigmatique. Sur le terrain fertile de l’imaginaire, réminiscences et réel échangent des images.La prose de Pierre Yergeau, stylisée, minimaliste, voire elliptique quand elle devient poème, trouve son contrepoint dans sa richesse d’évocation. Comme si l’écriture ne donnait à lire qu’une infime part de l’histoire pour que l’image du père transparaisse en filigrane.
Quelqu’un tapait sur mon épaule. Usman gesticulait devant mon visage.— Héééeeeffff, disait-il.— Quoi ? Qu’est-ce que tu veux ?Il a soulevé sa main droite devant mes yeux. Ses doigts se sont ouverts et crispés. Ils se sont agités un instant. C’était comme si ses doigts me dictaient en rafale tous les mots du dictionnaire, dans un sentiment de panique. Les doigts tremblaient, raidis par la douleur ou la jubilation.— Qu’est-ce que tu veux dire ? Je ne comprends pas, Usman. Il s’écarta. Une fille maigre aux cheveux roses est apparue derrière lui.