L’infini du regard
Le carnet est un genre littéraire qui se déguste lentement, qui s’inscrit dans un moment précis, permettant à ses lecteurs et à ses lectrices de s’arrêter pour mieux observer et apprécier. En jumelant le genre du carnet avec sa pratique artistique, Rita Lapierre-Otis crée des ponts d’une grande douceur entre ses différentes pratiques. Au gré des quatre saisons qui marquent le temps de ce carnet, elle nous invite à réfléchir avec elle aux paysages, aux éléments naturels et à la vie avec toute ce qu’elle peut offrir. Les parfums de la nature, les petits-enfants, les souvenirs, les lectures et les créations dans son atelier sont autant de prétextes à une écriture poétique et lumineuse.
Au Saguenay, sur le chemin de La Baie, échevelée, folâtre, la neige a soudainement cessé ses folles cabrioles, se métamorphosant en une brume qui peu à peu recouvre le port maritime. Le coin toujours en activité est désert. Derrière le comptoir du pavillon d’accueil, en attente de touristes, les deux jeunes filles semblent heureuses, surtout, de rencontrer des Français ; munis de mitaines et d’une coiffure d’aviateur en poil de chat sauvage, visiteurs émerveillés, prêts à affronter le pôle Nord, le froid de l’exotisme. Autour du bâtiment qui sert de bureau des douanes, l’imposant site se fond dans un brouillard qui s’épaissit de plus en plus. Est-ce la terre, le ciel ou l’eau? Ébahis, sommes face à un univers sans repère, sans horizon. Métaphysique. Le néant. Mais, à quelques mètres de notre point d’observation, nous apercevons de grosses vagues gelées.