Mettre une chandelle là-dessus
Mettre une chandelle là-dessus, dirigé par Cassie Bérard, est un ouvrage à la fois percutant et finement réfléchi, qui explore l’éthique de l’écriture à partir du vécu traumatique — parfois trouble, souvent fragmenté, toujours marquant. À travers une série de récits oscillant entre documentaire, fiction et témoignage, le recueil interroge la responsabilité de l’écriture face aux brisures du réel, aux absences, aux drames indicibles. Chaque texte est précédé d’un éclairage contextuel qui situe l’origine du projet, affirmant le double engagement esthétique et éthique des auteur·rices.
Loin d’une approche sensationnaliste, l’ouvrage se distingue par son intelligence formelle et la justesse de ses voix, refusant les raccourcis narratifs. Il aborde les zones troubles — celles qu’on préférerait parfois contourner — non comme des faiblesses, mais comme des appels à penser autrement la place de l’écrivain·e face à la souffrance d’autrui. Le livre révèle ainsi, avec une pudeur rare, l’impossibilité d’une vérité unique, et fait de cet inconfort même la condition d’un geste littéraire puissant. Par son exigence, sa cohérence interne et la richesse de ses styles, ce recueil s’impose comme un objet littéraire aussi bien inclassable que nécessaire.
C’est parce que ces questions ne cessent de travailler l’écrivain·e que nous espérons élever, au sein de ce livre, la justesse en force majeure de la littérature. Une justesse qui serait moins celle de l’exactitude qu’une manière de faire profil bas ; la justesse de l’authenticité, de la subjectivité et d’une modestie, cette capacité qu’exprime Maggie Nelson à ressentir la honte, la ressentir pour soi et pour l’autre, sans toutefois savoir quoi faire d’elle. La honte de celles qui n’ont rien vu, la honte de ceux qui n’ont rien fait, la honte de soi pour tous les autres sans honte, la honte de raconter, de l’histoire empruntée, de l’événement trahi par le style de nos phrases, ressentir cette honte à plusieurs dimensions.