Inventaire du Sud, en librairie le 18 mai 2010
Poète et romancier, Alain Raimbault livre ici un monde de perceptions. Il donne forme à la conscience qui s’incarne dans la parole évocatrice.
« Il y avait sur la place un figuier à l’ombre drue, l’inventaire du Sud. J’accueillais les confidences de chats borgnes, de libellules désordonnées, d’abeilles sans audace. C’était ma place contre une vigne plus haute que le chemin, plus ronde qu’une heure pleine, plus voyageuse que Noé. Mon figuier de figues noires. Mon orgue de Barbarie. J’y dressais la liste des échos dans une après-midi trop chaude. Le tonneau roulant son vin de soufre vers la rigole. Une pétarade de tracteur. Un froissement de laurier pour le départ d’un moineau téméraire, toujours le même, toujours perdu dans ma ruelle. Des mots d’un temps ancien laissés dans mon village paresseux, immobiles contre les pierres, les tuiles romaines, les ombres intenables et qui pourtant semblaient porter les murs à bout de bras. Les ombres de chaque ruelle comme un delta se jetaient nues vers la place de l’église. Mon figuier résiste à la marée. Il est une île. J’envisage la dérive du présent depuis son ombre irrégulière et personne ne m’adresse la parole, personne. Je reste seul, près des mots anciens, habité de tant de livres à dire. Invisible sous mon figuier, je dresse l’inventaire des impressions du Sud comme on rédige un dictionnaire. »
Inventaire du Sud, récits d’Alain Raimbault, 120 pages,18 $, ISBN 978-2-89502-300-5