Mathématiques intimes
Lori Saint-Martin quadrille, arpente et concentre en de très courtes proses le territoire de l’intimité entre amants, couples et familles. Elle fait les comptes et dresse un inventaire des haines et des désirs, des peurs et des plaisirs. Sa plume détaille et dévoile, experte à épingler les enchantements du passé et les désenchantements du présent. La chair blanche du mangoustan parfume l’adultère ; le miroir noircit le visage d’une jeune fille ; la maison menace ruine tant la rancœur mine la vie conjugale ; une tache de thé sur une nappe blanche amplifie l’ombre écrasante d’une mère ; une robe fleurie maquille un deuil ; l’échine ployée dissimule le ressentiment d’un vieillard ; une allumette qui flambe scelle le destin d’un adolescent. L’auteure de Mathématiques intimes nous offre des portraits d’une finesse rare. Chaque récit réfléchit l’image exacte du fatum : rester sur le seuil de la vraie vie ou franchir le pas.
La chair est d’une vive blancheur, lovée dans une écorce rouge violacé. Elle goûte le sucre et l’eau fraîche, le lointain et la source. La jeune femme ne connaissait ni le nom ni le fruit. Elle était si jeune qu’elle croyait encore aller de voyage en voyage, de fruit en fruit, si jeune qu’elle était sûre de toujours voyager en compagnie du même homme, qui n’allait pourtant jamais quitter sa femme.