Un livre sur Mélanie Cabay
La disparition de Mélanie Cabay, survenue le 22 juin 1994, sert de fil rouge à un récit hybride, à la fois biographie, enquête, témoignage et autobiographie. Avec sa verve habituelle, François Blais répond avec un mélange de vulnérabilité et de sens critique à la violence faite à des dizaines de jeunes femmes et à l’incapacité des forces de l’ordre à résoudre ces crimes odieux. Si les souvenirs de cet été 1994 permettent un voyage dans le temps à la François Blais, la nostalgie est ici teintée de tristesse, voire de culpabilité. Ses démarches et recherches pour ramener Mélanie Cabay dans les mémoires n’ont rien de voyeur ou d’opportuniste. Au-delà des statistiques et des « cold cases », cette réédition en format poche d’Un livre sur Mélanie Cabay nous rappelle la douleur que ces drames engendrent.
Ton image, donc, m’est revenue en tête pour la première fois depuis des années, et je me suis alors senti vaguement coupable d’être demeuré si longtemps sans penser à toi. C’est niaiseux, je sais, mais depuis l’été 1994 j’ai décidé qu’il était important que je n’oublie jamais Mélanie Cabay. Les aumôniers dans les salons funéraires aiment bien dire qu’une personne n’est pas tout à fait morte tant que l’on continue de penser à elle. C’est de la bullshit. Shakespeare, Proust, John Lennon et Alexandre le Grand sont aussi morts que le type enterré sous la cinquième pierre tombale de la troisième rangée au cimetière municipal de Repentigny, et dont le nom est peut-être Gratien Houde ou Réal Castonguay, ou enfin on s’en fout. Je sais que c’est de la bullshit, mais de le savoir ne m’empêche pas d’adhérer à cette bullshit. Tes proches continuent de penser à toi, bien sûr, mais il me semble que tu es un petit peu moins morte si de purs inconnus, comme moi, continuent aussi de penser à toi.