Sam
D’entrée de jeu, un carton de livres soldés. Tout au fond de la boîte se trouve une centaine de pages du journal de S***, une diariste chevronnée, qui plus est, native de Grand-Mère, comme le narrateur. Il n’en faut pas davantage pour que celui-ci s’engage dans une quête pour retrouver celle qu’il baptise Sam et qu’il croit être « la femme de sa vie ». D’indices en suppositions, de coïncidences en recoupements établis grâce à son journal, il la suit à la trace : à la campagne, dans sa petite maison du chemin Saint- François-de-Pique-Dur, à Limoilou, là où habite sa mère, et même jusqu’à Parent, en Haute-Mauricie.Cette petite musique familière et ironique, jouant en mode continu dans le récit du quotidien très ordinaire d’une trentenaire insaisissable, est bien celle de François Blais, passé maître dans l’art d’exploiter le filon du journal intime. Avec Sam, son huitième roman aujourd’hui réédité en format poche, il se pose en meneur d’un habile jeu de piste. Mais c’était sans compter sur le solide tempérament critique et agissant de son narrateur. Le journal de S*** pourrait bien devenir l’enjeu d’une rivalité imprévue entre l’auteur et son personnage, ainsi qu’une réplique vive à la question posée à la fin de Vie d’Anne-Sophie Bonenfant : « Depuis quand un auteur n’a-t-il pas tous les droits sur son personnage ? ».
Elle avait en toute confiance mis au propre ce petit bout de son âme, l’avait imprimé, l’avait rangé au fond d’une boîte de pêches en conserve avec quelques-uns de ses livres (qui eux aussi, en un sens, constituaient une parcelle de son âme), avait abandonné la boîte aux Artisans de la Paix et, depuis, elle attendait tranquillement que je vienne sonner à sa porte.