Lécher la terre
Après avoir exploré le thème de l’eau dans son recueil précédent (Les crues, 2022), Joanne Rochette s’intéresse au feu sous toutes ses formes avec Lécher la terre. Si les enjeux environnementaux occupent un rôle prépondérant dans ce recueil d’une grande richesse, l’autrice ne néglige pas pour autant la place qu’occupent les flammes dans l’imaginaire et dans l’histoire de l’humanité. Que des personnages refassent leur vie près du volcan Etna en Italie, ou que des fourmis développent la capacité de communiquer avec les humains à la suite de feux destructeurs, l’autrice réussit à explorer avec générosité et nuance notre rapport au feu, élément à la fois fertile et destructeur. Dans sa prose poétique, elle fait preuve de pédagogie pour éclairer certains problèmes environnementaux, ce qui rend sa réflexion accessible et enrichissante pour un large lectorat. Les personnages, parfois dépassés par les événements, reflètent l’impuissance de l’individu face au dérèglement du monde, capturant ainsi une tension poignante entre désarroi et espoir.
La voilà qui s’approche des constructions anciennes et du labeur des gens. Elle tente aussi sa chance sur des surfaces inconnues, développe des formes inédites,
expérimente. Elle lèche l’acier, les polymères, le verreet les plastiques colorés, absorbe des milliers d’oiseaux asphyxiés et flirte avec les lignes électriques. Puis,
surprise par une intense bouffée d’énergie, elle explose en éclats spectaculaires. Les humains n’ont d’autre choix que de reculer. Atteinte, la station d’essence a fait trembler la terre jusque très loin.
La fournaise impose désormais ses désirs. Elle se repaît de tous les carburants du village et envahit le pays de ses fumées scabreuses. Elle bouleverse tout ce qu’on a vu déjà, de mémoire humaine.