Cataonie
« Monsieur, vous êtes un sot ! » ne manque pas de s’exclamer le meilleur ami de monsieur B… à l’énoncé de ses lubies : connaître en toute certitude le nombre de mots composant son dernier roman ou retrouver la chute d’une blague parue dans un numéro abîmé de Placid et Muzo. La sottise n’est pas le seul trait remarquable de ce curieux personnage. Sa fatuité est telle qu’il est prêt à toutes les extrémités pour s’attirer les faveurs des puissants de ce monde, notamment le magnat de la presse du Grand Shawinigan. Quant à son pouvoir de séduction, aucune femme sensée ne saurait y résister.
Irrévérence, manipulation des codes, univers décalé, on reconnaît bien dans Cataonie la griffe de François Blais. L’absurdité des situations dans lesquelles il plonge son personnage est proprement hilarante.
Je passai les mois suivants dans un état second, dormant peu, me nourrissant mal. Je hantais les lieux publics, guettant les conversations, dressant l’oreille dès que j’entendais les mots « cochon », « chaise électrique » ou « moissonneuse-batteuse ». Je buvais pour tenter d’oublier, mais cela ne servit qu’à me faire perdre la tête davantage. Il m’arrivait de me réveiller dans une ruelle sombre, couvert d’immondices, sans savoir comment j’étais arrivé là, ne gardant que le vague souvenir de quelque taupin me menaçant de sévices si je continuais à importuner les clients avec cette histoire de cochon.